M.
le Ministre,
le
nombre est limité. Dix mille personnes seulement peuvent gagner ou
perdre l'incertitude d'un potentiel avenir. Ni vous ni moi ne le
connaissons. Je dois vous avouer que j'ai longuement hésité à
envisager ce départ comme salvateur. Est-ce que je me sacrifie en
quittant notre planète, laissant mes deux enfants sur place en leur
espérant malgré tout une évolution? Ou au contraire, très
égoïstement, je pars sauver ma propre peau, les abandonnant alors à
ce magnifique cadeau que je leur ai fait? Honte à moi d'avoir
cautionné la déchéance de ce monde, malgré moi...
M.
le Ministre, face à ce choix difficile, j'ai donc décidé
d'envisager néanmoins une amélioration sur notre Terre natale, et
ainsi je laisse vivre mes enfants, je les laisse respirer un peu...
Quant à moi, je pars vers l'inconnu. Peut-être pour me sauver,
peut-être pour me suicider. Je défie alors mon courage, ma folie ou
bien ma colère pour laisser vivre ou faire mourir. Reste à savoir
qui de nous tous seront les premiers.
Il
se trouve que dix mille personnes représentent l'équivalent d'une
petite ville française. Certains se sont entretués il y a quelques
mois pour sauvegarder leur place. Et au final, plus personne
aujourd'hui ne veut partir... On préfère mourir sur place que
d'aller crever ailleurs. Veuillez donc entendre mon dévouement, ma
curiosité ou mon suicide..?
Je
pars, c'est décidé. Mars, Vénus ou Pluton? J'irai là où la folie
humaine n'aura pas encore sali. J'irai regarder le soleil d'un autre
œil, d'un autre angle, j'irai toucher
les étoiles, j'irai... Je pars... seule... avec juste peut-être une
fleur dans la main, si vous me le permettez. Pour la grâce, pour le
souvenir, pour la beauté de ma vie ou de ma mort...
M.
le Ministre, merci d'accepter mon dévouement et adieu.
[signature
illisible]
Moins
de dix jours plus tard, je recevais un courrier de la capitale. M. le
Ministre m'avait répondu. Je faisais partie des rares personnes en
France à vouloir quitter la planète. Il y aurait majoritairement
des Nord-Américains, des Russes et beaucoup de Chinois. Les Latins
allaient être en minorité. Il nous restait vingt jours pour régler
les dernières directives. Le départ était prévu pour le 31
juillet 2053.
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