Ma
douce,
ma
tendre, mon printemps sans fleurs, je vais partir. Voilà déjà
quelques mois que nous nous aimons dans les cafés et les cinémas,
voilà des semaines que nous mêlons nos vies nuits et jours à en
oublier le temps. L'amour n'est plus suffisant, hélas, et à ces
mots je devine déjà qu'un léger sourire se dessine entre tes
pommettes car tu sais.
Tu as déjà compris la raison qui me pousse à
agir. Et je sais aussi, tu auras remarqué que je sais beaucoup, que
ton sourire se rend acide par méconnaissance : tu ne connais
pas le lieu de ma future destination. Te souviens-tu de ce samedi
après-midi sous les pins, et du soleil qui, le même jour, de sa
lumière semblait abîmer les vagues ? Te souviens-tu de ce
journal trouvé sur le sable, amoindri par les intenables flots ?
Tu ne souris plus maintenant, tu ris, tu te souviens de l'article qui
avait suscité ma curiosité. De la même façon que l'araignée
tisse sa toile, que la mante dévore son mâle après l'amour, c'est
naturellement que ce projet de départ prenait sens. Mon enthousiasme
à cette idée ne te surprenait guère et nous regardions la mer en
parlant de la Terre. Il n'était pas question de la maudire ou de la
haïr mais au contraire d'en tirer les merveilles avant de partir. Or
la saison des orages et les illusions qu'elle crée ont passé, et ma
plaie, toujours grandissante, cette plaie née de mon incapacité à
me satisfaire des plaisirs extérieurs, n'a plus cessé de saigner.
Le soleil et tes yeux suffisaient à l'été mais le temps est venu
de faire mes adieux à cette terre froide et prévisible.
C'est
un adieu réfléchi vers un amour nouveau.
Je
joins à cette lettre l'article froissé de la plage brûlante pour
que toujours tu te rappelles à quel point nous étions heureux, le
26 août 2053.
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