Oncle
Bob,
Il faut arrêter
avec ces menaces. Tu sais que je travaille moins bien sous la
pression, et puis surtout, si notre association se voit, ma
réputation sera perdue et ce sera mauvais pour tes affaires.
Comprends que ça ne sert à rien de poster tes gorilles à la sortie
de mon labo ! Heureusement, nous ne sommes pas en phase aiguë
de contrats gouvernementaux, en outre tu as eu la bonne idée de leur
dire de rester à distance. Personne n’a rien vu, je pense. Ça va,
j’ai saisi le message (même si tu ne me ferais jamais de mal,
c’est évident).
Je te réponds par
le canal low
technology
dont nous sommes convenus, j’espère te convaincre que mon départ
sur l’HANIWA représente la meilleure solution pour nous deux.
Crois-moi, tu as tout à y gagner. Je t’explique.
1) As-tu seulement
une idée du fric qui va circuler dans cette petite communauté, et
de l’ennui qui ne tardera pas à saisir tout le monde ? Chacun
sera comme une grenouille en bocal. Nos nanites morphopiacées auront
beaucoup de succès… et tu toucheras gros comme bénéfices en
« prestations extérieures », puisqu’il est prévu que
les généreux donateurs du projet pourront pressurer le citron
jusqu’aux pesticides du zeste !
2) Je serai dans un
bien meilleur environnement là-bas pour terminer de développer ces
bébêtes. J’ose à peine imaginer le matos à ma disposition. Les
derniers obstacles techniques qui me bloquent vont se dissiper comme
un pet sans soufre.
Je sais, ça fait
trop longtemps que je te promets pour demain cette drogue
ébouriffante, indétectable, non toxique, etc. Tu deviens impatient,
mais je te jure, cette fois on est vraiment tout au bout de la route,
la découverte toute fraîche nous attend. Je t’ai tenu
scrupuleusement au courant des avancées, des moments de doute, des
fausses pistes… Je ne t’ai jamais raconté d’histoires depuis
que j’ai repris contact avec toi. Tu ne peux rêver mieux qu’une
biotech de renommée mondiale dans ta poche mais non reliée à toi,
si ?
Tu as eu la
gentillesse de me mettre à l’abri loin de toi, dans une gentille
famille, après m’avoir sauvée, pour cela je te serai toujours
reconnaissante. Tu as été surpris que je vienne te faire mes offres
de service dès mon diplôme en poche… tu t’es demandé à
l’époque si les flics ne m’avaient pas retrouvée et retournée,
hein ? Il y a toujours eu une réserve dans notre relation
professionnelle, je le sentais bien. Mais depuis le temps, tu vois
que j’ai toujours joué franc jeu avec toi !
Je vais le faire
jusqu’au bout et te révéler pourquoi je tiens à partir dans les
étoiles. Quand tu auras compris, je suis sûre que tu ne mettras
plus mes plans en danger avec des déploiements de gros bras.
Quand tes hommes
sont arrivés trop tard pour mes parents et mon petit frère, ils ne
m’ont pas trouvée indemne non plus. J’avais treize ans, comme tu
sais. Depuis je me porte comme un mensonge sur pattes.
Depuis mes treize
ans je sais que l’espèce humaine est un carcinome sur la face de
la planète. Voilà qu’il veut métastaser ! Je ne l’admets
pas. Oh, je ne suis pas trop inquiète, les lois physiques et
sociologiques se chargeront probablement toutes seules de le contenir
à son pré carré bien souillé. Si ce n’est pas un problème de
masse qui voue la mission à l’échec, je compte sur le jeu de la
politique et sur l’anarchie ordinaire du réel pour pulvériser
l’ordre fantasmé par tous ces dirigeants à courte vue.
Disons que
j’apporterai ma petite contribution avec mes nanites, drogue
ultime. Même si mon rôle est restreint, je crois que je savourerai
jusqu’au bout le grand-guignol HANIWA…
Quoi qu’il en
soit, avant que tout parte en vrille dans le ciel, tu peux parier que
pendant la période prévue pour le maintien des échanges
économiques tu prendras une avance décisive sur le marché !
Parlons concret :
les carcasses nanites sont à peu près au point. Je t’adresse
ci-joint un échantillon ; passe la deuxième enveloppe à Finn,
elle contient tout ce qu’il faut, avec les instructions nécessaires
pour l’entretien. Je vous transmettrai les programmations à
appliquer, et même s’il reste des ajustements matériels, je sais
que Finn pourra s’en charger. Tout ira bien.
Il vaut mieux qu’on
n’entre plus en contact avant le départ, maintenant. Fais-moi
confiance, tonton Bob, et ne t’en fais pas pour moi. Il était trop
tard de toute manière.
Ta petite
Alice
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