Mon
tant chéri, mon bel amant, mon flux, ma vague...
Oui,
je sais, nous nous connaissons si peu, une telle introduction,
n'est-ce pas trop ?
Vois-tu,
je m'autorise car je pars.
Hier
soir, quand tu t'es enfin endormi, j'ai décidé de rejoindre LE
projet HANIWA, le seul Projet de ce monde, celui qui hante désormais
toutes les conversations autour des coffee-spots, dans les rames du
tube, dans les ascenseurs et les repas de famille.
En
écrivant, je réalise que cette décision soudaine n'est que
l'aboutissement d'une longue quête, née durant les nuits d'été
passées auprès de mon père à traquer dans le ciel les objets
célestes par lui détaillés : étoiles à neutrons, galaxies
spirales et autres nébuleuses marquaient nuit après nuit mon
imaginaire d'enfant.
Mon
père, astronome amateur mais passionné, à qui la pollution
galopante ôtait chaque année toujours plus de nuits
d'émerveillement, rêvait de voir son fils unique devenir un
astrophysicien reconnu et ainsi pouvoir approcher les derniers grands
observatoires terrestres.
Mais
l'adolescence, les crises sociétales et la dictature de l'économie
de marché dans les universités m'ont satellisé dans la direction
strictement opposée, vers l'infiniment petit et les microscopes
quantiques. Je suis devenu le nanotech en biologie, le spécialiste
des reconstructions de membranes plasmiques et de l'inversion des
potentiels de fractales que tu as rencontré dans les labos
d'Infrateck, filiale Europe, à Genève.
Un
poste est à pourvoir là-haut sur l'I.S.S, si tu t'en souviens,
Rabbah en parlait l'autre soir chez Mama d'Alma. Un poste de chef de
labo, et quel labo ! Un concentré des dernières techniques, un
diamant si merveilleusement équipé que nos bijoux génevois
passent, à côté, pour les paillasses d'un lycée agricole des
Zones.
Alors
je pars.
Je
rejoins l'infiniment grand de mon père, je rejoins l'enfant d'il y a
vingt ans, touché au plus profond par la beauté écrasante de
l'univers, et je te quitte mon amiamant de quelques soirs, comme je
quitte aussi toutes celles et ceux auprès de qui j'ai dispersé tout
l'amour qu'il me restait à donner, et de qui j'ai reçu toute la
tendresse que ce monde recèle encore.
Je
te quitte et te laisse l'ennui de cette Terre privée peu à peu de
merveilles et de mystères.
Je
te quitte et j'emporte avec moi l'espoir pour nos enfants à venir et
la folie qui nous pousse toujours plus loin puisque nous sommes
humains.
Je
sais que je ne me le pardonnerai jamais tout à fait, tout comme je
sais aussi que je m'en arrangerai pourtant. M'arranger, je sais
faire.
Alors,
adieu, amis terriens ; bonne chance à vous tous, que la vie
vous soit la plus douce possible, et quand elle deviendra dure,
tâchez de trouver une étoile et rappelez vous que là-haut, là-bas,
au grè des vents stellaires, au travers des éons, voyagent avec moi
un peu de la beauté de chacun d'entre vous et le souvenir de nos
liens.
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