Oups...
où suis je ? Je me suis assoupie au milieu de la conversation
avec mon voisin, mais il faut dire que nous voyageons depuis
plusieurs heures et… je jette un regard coupable à Marc qui me
sourit avec bienveillance. Il comprend ! Les mois qui ont
précédés notre départ ont été suffisamment stressants pour
justifier une évasion intempestive de la réalité… Où en
étions-nous ?
Ah oui, nous parlions de cet infâme objet qu’est
la télévision, la TÉLÉ comme l’appellent les téléphages. Nous
nous insurgions, une fois de plus, contre l’abus de pouvoir de nos
gouvernants, qui, il y a une dizaine d’années, ont imposé aux
citoyens français de posséder un téléviseur et de la garder
allumée au moins 5 heures /jour sous peine d’amende voire
d’emprisonnement... Je tâte la « puce » microscopique
qui nous a été greffée sur le front afin de nous mettre sous
contrôle gouvernemental.
Dieu
merci, faute d’activité, elle va s’atrophier et disparaître.
La
majorité d’entre nous, dans ce voyage, sont des résistants
télévisuels, d’infâmes lecteurs de livre papier et/ou
électronique, et de ce fait, imprégnés d’une forte odeur de
soufre… d’après les agents renifleurs secticides.
Ma
mère m’avait parlé d’un film de sa jeunesse, intitulé, si mes
souvenirs sont exacts, Farhenheit
451.
Ce film mettait en scène une période de dictature où on aurait
interdit la lecture et où les pompiers auraient brûlé les livres
lors d’opérations mémorables... Divagations pas si imaginaires
qu'elles le semblaient, d’ailleurs, ma chère Libellule, mais ceci
est une autre histoire…
Sur
terre, nous avons disserté interminablement (et « inter-
minablement » d’ailleurs, d’après certains mauvais
esprits…) sur ces sujets, et la révolte était devenue notre
quotidien, alors changeons de sujet !
Euh…
que dis-tu, Marc ?
Ah
oui, excuse-moi, je me branche machinalement sur la relation
télépathique avec Libellule et je n’avais pas vu cette lumière
qui clignote assez violemment pour annoncer une information
importante.. chut !
Voilà,
nous arrivons sur Haniwa. L’appareil de transition qui nous a
amenés jusque-là va entrer dans le ventre du vaisseau spatial…
Sur
l’écran géant, nous voyons surtout l’arrière d'Haniwa, avec
une vue de l’ensemble de celui-ci, qui nous apparaît comme un gros
bourdon gris avec des ailes de dimensions restreintes qui se
déplacent en largeur sur toute la surface du corps.. Ces ailes
peuvent également se plier vers le haut ou le bas. On nous dit que
la surface du vaisseau est aussi souple que du latex, malgré sa
résistance ou peut-être également grâce à cette particularité,
mais nous ne pourrons pas le vérifier, la technologie n’étant pas
encore arrivée là.
A
l’arrière du vaisseau, une grande ouverture, comme en avaient
autrefois les avions de chasse, mais plate à la base, avec une sorte
de plaque d’envol, ou d’atterrissage, qui permet à un appareil
de dimension plus réduite de pénétrer à l’intérieur… ou d’en
sortir.
Nous
voyons apparaître sur l’écran une des accompagnatrices qui se
trouve déjà à bord depuis quelques mois. Elle vient nous donner
les dernières instructions : nous n’avons aucune raison de
nous inquiéter, dit-elle, la synchronisation des vitesses est
parfaite et nous allons pouvoir entrer facilement à l’intérieur
du vaisseau interplanétaire.
Nous
pouvons voir toutes ces opérations sur l’écran et je peux te
dire, ma chère libellule, que c’est très impressionnant…
Nous
sommes maintenant dans le noir, et nous ne serons pas autorisés à
descendre avant plusieurs dizaines de minutes.. Il faut refermer la
bouche d’entrée et mettre la pression adéquate dans la soute.
Nous
avons nos places indiquées également sur Haniwa, dans le même
ordre que sur l’appareil de transition, donc évitons la
bousculade.
Pour
commencer, nous aurons les mêmes voisins, même si des échanges de
place sont permis, et comme il n’y a pas de hublot, personne ne
sera mal placé…
Après
avoir grimpé l’escalier intérieur, avec une certaine appréhension
mêlée d’excitation, nous voici dans notre résidence provisoire.
Il y a
de nombreux espaces de vie, bien qu'il n’y ait pas de classe.
L’intérieur a simplement été cloisonné pour éviter d’ajouter
l’angoisse d’un espace démesuré… Aussi l’appareil, pourtant
immense, semble à échelle humaine.
Il y a
également de nombreux espaces, plus petits, de service, je dirais...
J’aperçois une salle de gymnastique et divers autres salles,
infirmerie, etc.
Les
parois sont également d’un gris clair, avec des pointes de couleur
vive de-ci de-là, pour garder actives nos imaginations (sans
doute)... et le toucher est très doux ; cette fois, c’est
vérifiable ; plus doux que du tissu et cela donne une
impression de rembourrage souple.
On
dirait presque que tout à été fait pour amortir le choc
psychologique de cette expatriation, unique dans l’histoire du
monde.
Les
accompagnatrices sont habillées façon hôtesse de l’air
archaïque, avec un uniforme, mais nous disent-elles, ce n’est pas
pour se mettre en avant, mais pour qu’elles soient plus faciles à
repérer... fonction oblige.
Nous
n’allons d’ailleurs pas tarder à nous apercevoir que nous avons
affaire, ici, à une organisation des plus pointue ; preuve,
s’il en fallait, que l’intelligence peut être mise au service du
bien-être de l’homme et non uniquement de sa destruction, ainsi
qu’il en était dans les dernières décennies.
Nous
commençons notre installation, mais en premier lieu, il faut penser
à nourrir nos corps.. Devant nous, encore des ordinateurs… eh
oui,importants, utiles comme tu le sais, pour des raisons diverses,
mais surtout pour notre nourriture numérique.
Certes,
nous espérons retrouver une « alimentation vivante »
mais il faut reconnaître que le logiciel alimentaire nous a sauvés
d’une mort à petit feu à mesure que les aliments perdaient leurs
nutriments essentiels... jusqu’à disparaître complètement.
L’accompagnatrice
connecte nos ordinateurs à la centrale. Elle nous conseille de
programmer notre repas… déjeuner, dîner ? Peu importe, pour
deux petite heures, car il ne sera pas possible d’utiliser le
réseau informatique pendant le démarrage du vaisseau et ensuite,
nous allons être occupés.
« J’optimise
mes niveaux d’homo-cystéine en me servant de la vibration de
l’acide folique, des vitamines B6 et B12, assurant une conversion
totale de l’acide aminé qu’est la méthionine en cystéine...»
Je
n’en comprends pas une miette (si j’ose dire) mais ça marche
malgré tout, heureusement !
J’aime
bien celle-là : « Mes systèmes internes de contrôle
s’accordent sur mon poids corporel optimal et sa composition, se
défaisant de toute peur de "famine" créée par les
régimes antérieurs hypocaloriques... » (dans une autre vie sans
doute…)
Marc
rigole, « Bon appétit ! » murmure t-il… Il est
vrai que, bien que nous soyons utilisateurs de cet instrument depuis…
la nuit des temps, nous n’avons pas vraiment réussi à nous
habituer à manger par ordinateur interposé.. bravo la gastronomie !
L’organisation
semble parfaite, et les accompagnatrices sont disposées à répondre
à toutes nos questions. Nous ne sommes plus sur Terre, là où la
langue de bois est devenue le moyen de « communication »
le plus habituel.
En
supposant que nous ayons la même notion du temps et que celui-ci ne
s’accélère pas, nous avons des mois de voyage devant nous. Il est
donc est évident que certaines situations peuvent devenir
problématiques, et même si la technologie n’a pas cessé de nous
surprendre, il n’est pas encore prévu de laver son linge, par
exemple, uniquement à l’aide d’un logiciel, même si l’un
d’entre eux va évidemment déclencher le programme...
Et
puis, et puis...
En
outre, l’ennui peut gagner, les voisinages peuvent devenir
pesants... Il y a sans doute des activités prévues ? j’ai
aperçu une salle de gym en arrivant.. Comment allons-nous en
disposer ?
Maintenant
que nous sommes provisoirement rassasiés (!) nous sommes ouverts aux
discussions et aux échanges avec l’accompagnatrice.
Je
vois un mouvement près de la cabine de pilotage... nos bagages
arrivent et ils vont être remisés dans un petit local pour
l’instant.
A
bientôt,
Mosaïne
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