vendredi 27 février 2015

KR 1.1

Mon tant chéri, mon bel amant, mon flux, ma vague...
Oui, je sais, nous nous connaissons si peu, une telle introduction, n'est-ce pas trop ?
Vois-tu, je m'autorise car je pars.

Hier soir, quand tu t'es enfin endormi, j'ai décidé de rejoindre LE projet HANIWA, le seul Projet de ce monde, celui qui hante désormais toutes les conversations autour des coffee-spots, dans les rames du tube, dans les ascenseurs et les repas de famille.
En écrivant, je réalise que cette décision soudaine n'est que l'aboutissement d'une longue quête, née durant les nuits d'été passées auprès de mon père à traquer dans le ciel les objets célestes par lui détaillés : étoiles à neutrons, galaxies spirales et autres nébuleuses marquaient nuit après nuit mon imaginaire d'enfant.
Mon père, astronome amateur mais passionné, à qui la pollution galopante ôtait chaque année toujours plus de nuits d'émerveillement, rêvait de voir son fils unique devenir un astrophysicien reconnu et ainsi pouvoir approcher les derniers grands observatoires terrestres.
Mais l'adolescence, les crises sociétales et la dictature de l'économie de marché dans les universités m'ont satellisé dans la direction strictement opposée, vers l'infiniment petit et les microscopes quantiques. Je suis devenu le nanotech en biologie, le spécialiste des reconstructions de membranes plasmiques et de l'inversion des potentiels de fractales que tu as rencontré dans les labos d'Infrateck, filiale Europe, à Genève.
Un poste est à pourvoir là-haut sur l'I.S.S, si tu t'en souviens, Rabbah en parlait l'autre soir chez Mama d'Alma. Un poste de chef de labo, et quel labo ! Un concentré des dernières techniques, un diamant si merveilleusement équipé que nos bijoux génevois passent, à côté, pour les paillasses d'un lycée agricole des Zones.
Alors je pars.
Je rejoins l'infiniment grand de mon père, je rejoins l'enfant d'il y a vingt ans, touché au plus profond par la beauté écrasante de l'univers, et je te quitte mon amiamant de quelques soirs, comme je quitte aussi toutes celles et ceux auprès de qui j'ai dispersé tout l'amour qu'il me restait à donner, et de qui j'ai reçu toute la tendresse que ce monde recèle encore.
Je te quitte et te laisse l'ennui de cette Terre privée peu à peu de merveilles et de mystères.
Je te quitte et j'emporte avec moi l'espoir pour nos enfants à venir et la folie qui nous pousse toujours plus loin puisque nous sommes humains.
Je sais que je ne me le pardonnerai jamais tout à fait, tout comme je sais aussi que je m'en arrangerai pourtant. M'arranger, je sais faire.
Alors, adieu, amis terriens ; bonne chance à vous tous, que la vie vous soit la plus douce possible, et quand elle deviendra dure, tâchez de trouver une étoile et rappelez vous que là-haut, là-bas, au grè des vents stellaires, au travers des éons, voyagent avec moi un peu de la beauté de chacun d'entre vous et le souvenir de nos liens.

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