vendredi 10 avril 2015

KM 1.1

M. le Ministre,
le nombre est limité. Dix mille personnes seulement peuvent gagner ou perdre l'incertitude d'un potentiel avenir. Ni vous ni moi ne le connaissons. Je dois vous avouer que j'ai longuement hésité à envisager ce départ comme salvateur. Est-ce que je me sacrifie en quittant notre planète, laissant mes deux enfants sur place en leur espérant malgré tout une évolution? Ou au contraire, très égoïstement, je pars sauver ma propre peau, les abandonnant alors à ce magnifique cadeau que je leur ai fait? Honte à moi d'avoir cautionné la déchéance de ce monde, malgré moi...

M. le Ministre, face à ce choix difficile, j'ai donc décidé d'envisager néanmoins une amélioration sur notre Terre natale, et ainsi je laisse vivre mes enfants, je les laisse respirer un peu... Quant à moi, je pars vers l'inconnu. Peut-être pour me sauver, peut-être pour me suicider. Je défie alors mon courage, ma folie ou bien ma colère pour laisser vivre ou faire mourir. Reste à savoir qui de nous tous seront les premiers.
Il se trouve que dix mille personnes représentent l'équivalent d'une petite ville française. Certains se sont entretués il y a quelques mois pour sauvegarder leur place. Et au final, plus personne aujourd'hui ne veut partir... On préfère mourir sur place que d'aller crever ailleurs. Veuillez donc entendre mon dévouement, ma curiosité ou mon suicide..?
Je pars, c'est décidé. Mars, Vénus ou Pluton? J'irai là où la folie humaine n'aura pas encore sali. J'irai regarder le soleil d'un autre œil, d'un autre angle, j'irai toucher les étoiles, j'irai... Je pars... seule... avec juste peut-être une fleur dans la main, si vous me le permettez. Pour la grâce, pour le souvenir, pour la beauté de ma vie ou de ma mort...
M. le Ministre, merci d'accepter mon dévouement et adieu.

[signature illisible]

Moins de dix jours plus tard, je recevais un courrier de la capitale. M. le Ministre m'avait répondu. Je faisais partie des rares personnes en France à vouloir quitter la planète. Il y aurait majoritairement des Nord-Américains, des Russes et beaucoup de Chinois. Les Latins allaient être en minorité. Il nous restait vingt jours pour régler les dernières directives. Le départ était prévu pour le 31 juillet 2053.

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